du
Michel Korinman
20 décembre 2024
Chacun se souvient du célèbre et très intéressant livre d’Edward Saïd, L’Orientalisme L’Orient créé par l’Occident (Orientalism, 1978) dans la mesure où il peut être considéré comme le texte fondateur des études postcoloniales. Cet anti-Huntington (critiqué avec virulence) développe une thèse fondamentale quant à l’histoire du discours colonial sur les populations orientales sous le joug européen : la domination politique et culturelle de l’Orient par l’Occident à travers la « re-présentation » (la reconstruction) du premier par le second, laquelle implique une diabolisation des Orientaux (surtout des Arabes) et de l’islam ainsi qu’une dépréciation de la langue arabe.
L’argument a quelque chose d’impressionnant, de massif, d’autant que Saïd le complique : « La distinction que je suis en train de faire se place vraiment entre une positivité presqu’inconsciente (et certainement intouchable), que j’appellerai l’orientalisme latent, et les différentes affirmations sur la société, les langues, les littératures, l’histoire, la sociologie, etc., de l’Orient, que j’appellerai l’orientalisme manifeste. Mieux : « Quelque soit le changement qui se produise dans la connaissance de l’Orient, on le trouve presque exclusivement dans l’orientalisme manifeste ; l’unanimité, la stabilité, la persistance de l’orientalisme latent sont plus ou moins constantes »[1]. Au fond, les Occidentaux ont « fabriqué » les Orientaux de façon à mieux les contraindre, les subjuguer, les exploiter. On passera sur la critique évidemment fondée de Bernard Lewis (attaqué par le premier) : Saïd crée artificiellement un groupe, les orientalistes qui partageraient les mêmes arguments ; il ignore le monde germanique (reste focalisé sur les Britanniques et les Français) ; il multiplie les références aux écrits mineurs ou occasionnels par rapport aux œuvres majeures ; il fait émerger l’orientalisme moderne à la fin du XVIIIe siècle alors que celui-ci remonte à la période où l’Empire ottoman dominait la Méditerranée deux siècles plus tôt ; il mélange les vrais orientalistes avec les poètes ; il a commis une série d’entorses à la vérité et d’erreurs factuelles ; il laisse totalement de côté les spécialistes soviétiques alors qu’ils sont beaucoup plus tendancieux et dénigrants que les Britanniques et les Français[2].
Trois remarques de bon sens s’imposent cependant. D’abord, Edward Saïd n’oppose jamais dans son magistral ouvrage une « anti-méconnaissance » susceptible de se substituer à l’information orientée, alignée sur le racisme et le colonialisme ; si les Orientaux ne sont pas ce que veulent les orientalistes, alors qui sont-ils dans l’optique justement de l’auteur. Ensuite, « Pire encore, il n’y a en Orient pour ainsi dire aucun institut, même modeste, qui soit consacré à l’étude de l’Orient »[3]. Or Saïd lui-même, après avoir obtenu un doctorat à Harvard, rejoint l’université Columbia en 1963 et y travaillera comme professeur de littérature anglaise et comparée jusqu’à sa mort en 2003, alors qu’il pouvait s’installer (rêvons) dans des pays aussi « progressistes » que la Libye, l’Irak et l’Algérie[4]. Enfin, l’auteur invite au doute sur ses positions intellectuelles car elles sont tout aussi orientées (en sens inverse) que l’orientalisme honni dans la mesure où il fait une place tout à fait acceptable de son point de vue à l’antisionisme, ce qui permet de se demander si ses analyses ne sont pas précisément liées à cette option politique[5]. Rappelons qu’Edward Saïd, membre du Conseil national palestinien depuis la fin des années 1970, en avait démissionné par opposition aux méthodes de la direction de l’OLP ; même s’il combattait toute forme de négationnisme et se présentait comme favorable au dialogue avec les forces israéliennes progressistes, il était hostile aux accords d’Oslo[6].
Il convient maintenant de géopolitiser le débat en se contentant d’observer dans la réalité contemporaine le fonctionnement actuel de certaines directions du Proche- et Moyen-Orient (à l’évidence pas toutes) afin de mettre a posteriori à l’épreuve l’argumentation de Saïd dès lors que le colonialisme n’est plus.
1 Enrôler Dieu !
Drôle de raisonnement que celui du successeur (faute de mieux) de l’ex-secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah (liquidé par les Israéliens le 27 septembre), Naïm Qassem, après l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Liban signé le 26 novembre et entré en vigueur le lendemain : ceux qui pensent que le conflit a affaibli le Hezbollah se trompent ; l’organisation serait sortie encore renforcée d’une victoire supérieure à celle de 2006 sur « les sionistes » ; elle a stupéfié le monde par sa capacité de résistance et de mise en déroute de l’ennemi, les miliciens ayant infligé « des dommages colossaux » à Israël. Mais l’explication déborde largement les aspects militaires : si le Hezbollah (Parti de Dieu) a battu les « sionistes », c’est parce qu’il s’agit d’une « victoire divine »[7] : que veut-il dire par là ? Sans doute que l’islam, en définitive, ne peut de toute façon jamais baisser pavillon puisque l’action des musulmans (en l’occurrence chiites) est ancrée dans la volonté divine. Peu importe qu’un Libanais sur quatre ait perdu sa maison, que le rapport des pertes soit d’une victime israélienne pour 33 Libanais, que les forces de Jérusalem soient encore présentes au Liban et tirent à leur gré, qu’elles aient avec leurs services secrets et leurs missiles éliminé l’un après l’autre 800 officiers (première et deuxième lignes du commandement). Vu l’essence divine de son combat le Hezbollah a beau chanceler, il ne peut que transformer rhétoriquement un « ko technique » en victoire. D’où la facilité avec laquelle le cheikh évite de se rétracter sur le retrait au nord du fleuve Litani, tandis que les forces armées autorisées à rester dans la zone frontalière seront les Forces armées libanaises et la Finul (Force intérimaire des Nations unies au Liban), Israël (60 jours jusqu’au 25 janvier 2025 pour se retirer après le déploiement des forces précédentes) conservant « une totale liberté d’action militaire » pour attaquer le Liban en cas de violation du cessez-le-feu par le Hezbollah ou autres. Sans compter qu’il n’y a même pas accord entre l’organisation et les Américains sur le choix d’un nouveau président (après deux années de vacance) lors de la session parlementaire le 9 janvier 2025 : le Hezbollah ayant toujours souhaité un « homme de transition » comme Sleiman Tony Frangié, maronite (comme le stipule la Constitution libanaise) mais ami d’enfance du président syrien Bachar el-Assad et protagoniste de l’alliance avec les chiites ; Amos Hochstein l’émissaire américain, plaidant pour Joseph Khalil Aoun également maronite mais n’entretenant pas des relations désagréables aux Occidentaux et aux Israéliens. Il y a plus : le « cessez-le-feu » a permis d’organiser le 30 novembre à Dahieh, quartier chiite du sud de Beyrouth, une première commémoration de Hassan Nasrallah, « martyr national », dans le ground zero du bunker détruit du quartier général de l’organisation. Mais au prix de curieuses déviations[8]. On se situerait d’après les sunnites à la limite du blasphème : le Hezbollah a construit sur les décombres des immeubles une structure cubique qui rappelle forcément la Kaaba de La Mecque (et autour de laquelle les présents sont disposés en cercle !) non pas noire comme l’original mais rouge comme le sang d’al- Ḥusayn ibn ‘Ali, premier martyr des chiites, et celui de Nasrallah du coup élevé à un statut de saint, avec des rayons bleus de lumière évoquant l’ascension de l’âme vers le paradis. De même pour les polémiques avec les chrétiens qui s’indignent d’avoir découvert que ressortait dans l’invitation l’expression « Lumière née de la lumière », tel un emprunt massif au Credo chrétien : « Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ, le fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles : il est Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière » ; sans compter qu’il était demandé aux participants de porter une chandelle, symbole tout à fait étranger à la tradition musulmane. Donc : selon le Hezbollah l’ « islam » triomphe ou triomphera infailliblement à terme (sans limites temporelles affichées) et par tous les moyens (militaires ou symboliques) ; il ignore et décrie ce qui n’est pas associé à la force ; mais n’est-ce pas une position très largement répandue dans la « rue arabe et musulmane en général » ? Analyse très juste à cet égard de Renaud Girard : « Les Occidentaux ont commis une grave faute morale et stratégique à ne pas défendre les chrétiens d’Orient depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Moralement il y a quelque chose d’abject à ne pas défendre, dans une région donnée du monde, les seuls êtres humains qui pensent comme vous. Stratégiquement, les Occidentaux ont donné un signe de faiblesse à tous leurs ennemis potentiels dans la région. Au Moyen-Orient, est considéré comme faible celui qui se montre indifférent au sort de ses amis »[9].
2 Quand les Persans faisaient des mystères
Téhéran a démontré sa fragilité et sa faiblesse lors de la conquête de la Syrie par les djihadistes en rapatriant ses officiers et ses diplomates sans tenter le moindre soutien à Bachar el-Assad puisque sa chute relève de « la volonté du peuple syrien » ! L’opposition commence à établir un lien entre Assad et le guide suprême Ali Khamenei : difficile de se maintenir au pouvoir sans appui massif au sein de la population et de l’armée[10]. D’autant que la critique s’étend jusqu’au sein du pouvoir par exemple à propos de la nouvelle loi sur le voile[11]. D’où l’incompréhension légitime quant à la réaction des ayatollahs au texte élaboré par Londres, Paris et Berlin (E3) ainsi que Washington, approuvé le 21 novembre par 19 des 35 États membres (opposition de la Russie, de la Chine et du Burkina Faso et abstention de 12 pays) du Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA, siège Vienne), et rappelant l’Iran à ses « obligations légales » en vertu du Traité de non-prolifération (TNP) ratifié en 1970 ; la République islamique, bien qu’à l’évidence affaiblie, ordonne du coup par le biais du chef de l’organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA) la « mise en service d’une série de nouvelles centrifugeuses avancées et de différents types » : 6 000 qui s’ajoutent aux 10 000 déjà installées souterrainement à Natanz et à Fordo. Alors que l’Iran a beaucoup réduit depuis 2021 sa coopération avec l’Agence et que son programme nucléaire ne cesse de monter en puissance (même si Téhéran nie vouloir se doter de la bombe). Paradoxe : les ayatollahs redoutent que l’E3 ne mobilise le rapport demandé à l’Agence d’ici le printemps 2025 sur « l’existence ou l’utilisation possibles de matériel nucléaire non déclaré » en Iran pour activer le mécanisme de snapback de l’accord de 2015 visant à amener le Conseil de sécurité de l’ONU à rétablir les sanctions internationales contre Téhéran ; comme si les Européens voulaient anticiper sur un durcissement de la politique américaine avec Trump ; l’accord arrivant à son terme en octobre 2025, ce mécanisme ne peut évidemment être activé que jusqu’à cette date, c’est-à-dire très vite. Mieux : la République islamique, après avoir fait quelques concessions, menace de sortir du TNP. En somme, le raisonnement des ayatollahs est le suivant : moins je dispose de puissance réelle, plus je hausse le ton. Or, l’E3 a indiqué qu’au cas d’un enrichissement de l’uranium par les Iraniens passant de 60% à 90%, les ayatollahs disposeraient dès maintenant de réserves suffisantes à la production de quatre bombes[12]. Mais on ne s’y trompe pas, car les rusés mollahs savent que le temps presse pour l’Iran dès lors que la future administration Trump a promis de renforcer les sanctions à son égard, et ils déclaraient vouloir entamer des discussions avec les Européens le vendredi 29 novembre[13]. Là ils ont certainement raison : Benyamin Netanyahou (qui le demande depuis longtemps) pourrait conduire Trump à lui fournir les capacités militaires qui font encore défaut à l’État hébreu pour stopper le programme nucléaire iranien ; des conseillers du président élu considèrent que la pression sur la République islamique ne suffit pas à l’endiguer et envisagent une action militaire sur les sites nucléaires iraniens ; le Premier ministre israélien s’adressant directement au peuple iranien : « Le jour viendra où l’Iran sera libre – et je suis convaincu que cela arrivera bien plus tôt que les gens pensent » ; nombre d’analystes notent que les Iraniens craignent un attaque israélienne, interprétant le cessez-le feu au Liban comme une manœuvre afin de libérer des ressources en vue d’une opération[14]. Et puis, Téhéran a-t-il vraiment les moyens de réorganiser le Hezbollah après l’accord de trêve du 27 novembre avec l’État hébreu ?[15] Néanmoins le risque demeure que les Iraniens, constatant qu’ils sont trop affaiblis et n’ont plus rien à perdre, n’accélèrent justement à l’inverse l’enrichissement d’uranium pour accéder à l’arme nucléaire[16].
Mais sans doute doit-on s’attendre en revanche du côté de la République islamique à des activités multipliées de terrorisme. Comme avec l’assassinat en novembre 2024 du rabbin Zvi Kogan (binational israélo-moldave), émissaire du mouvement Habad Loubavitch consacré à la diffusion du judaïsme, en poste aux Émirats arabes unis, ancien combattant de la brigade israélienne Givati, vu pour la dernière fois à Dubaï où il gérait l’épicerie casher « Rimon » ; selon le Mossad (enquête « intensive »), trois Ouzbeks l’auraient enlevé à sa sortie du magazin, et sa voiture comme son cadavre ont été retrouvés à Al-Ain à 150 kms d’Abu Dhabi et proche de la frontière avec le sultanat d’Oman : comme en témoignent des traces de corps à corps, le rabbin agressé et qui devait être transféré à « l’étranger » aurait tenté d’opposer une résistance. Les trois meurtriers ont été arrêtés par les Émirats que Benyamin Netanyahou va remercier « pour leur coopération », les relations bilatérales restant toujours aussi solides, et « en particulier contre l’Axe du Mal » dirigé par Téhéran. Cette « cellule ouzbek » – des chiites – était selon les Israéliens recrutée et pilotée par les Iraniens (représailles). Intéressant le choix territorial : Dubaï comme Abu Dhabi sont des ports de mer alimentant un flux continu de personnes et de liens intercontinentaux, donc aussi d’activités illicites ; en outre, la proximité aux escales d’Oman avec un va-et-vient ininterrompu de dhows (petits bateaux) facilite la fuite. Au contraire, la surveillance constante à laquelle sont soumis les « hôtes » a fait en sorte que la police émiratie ait pu identifier en un temps record les trois assassins. On a pu cependant relever l’embarras des Émiratis qui ont normalisé leurs relations avec Israël en 2020 ; tout en se déclarant déterminés « à répondre avec fermeté à toute tentative d’atteinte à la sécurité et à la stabilité du pays », ils ont évité de mentionner la binationalité de la victime qualifiée de « moldave », comme s’ils préféraient que les règlements de comptes n’aient pas lieu sur leur territoire[17].
De même pour l’importante campagne de hameçonnage menée par des agents iraniens contre des citoyens israéliens (surtout les personnalités) démasquée par par le Shin Bet (Service de sécurité intérieure et de contre-espionnage israélien)[18].
Plus généralement, c’est avant tout sur le plan international que ce terrorisme frappera, comme le démontrent des signalements en Europe du Nord, au Sri Lanka, en Thaïlande. Des alertes prises très au sérieux par Jérusalem où l’on se souvient naturellement de l’attentat de l’Amia (Association mutuelle israélite argentine), attaque à la voiture piégée perpétrée le 18 juillet 1994 à Buenos Aires : 85 morts et 230 blessés, l’Iran et le Hezbollah étant accusés formellement d’en être le commanditaire et l’auteur. Comment peut-on être persan ?
3 Syrak ?
À Doha, le 7 décembre, Téhéran et Moscou s’étaient mis d’accord avec Ankara sur une sortie de scène d’Assad[19]. Ce qui explique l’extrême rapidité (12 jours) avec laquelle les « rebelles » se sont emparés d’une bonne partie du pays et de ses grandes villes. Même si Hayat Tahrir al-Cham (HTC) est arrivé douze heures après les premiers groupes armés lesquels ont mis à sac le palais présidentiel et perpétré des vols dans les casernes ainsi que les douanes.
Grand vainqueur de l’affaire, le « Sultan » Erdoğan lequel était apparemment informé de tout bien avant l’offensive qui n’a pu être menée sans son aval, mais n’avait pas prévu des développements aussi rapides[20]. Après une première pulsion néoottomane lors des printemps arabes, quand ce leader Frère musulman avait essayé de dominer l’Égypte, la Libye et la Tunisie (la stratégie échouant partout sauf en Tripolitaine), et une deuxième en Azerbaïdjan lors de la guerre d’agression contre les Arméniens en 2020 (curieusement assez peu médiatisée en Occident), il trouve une nouvelle opportunité de relancer sa vision[21]. Les Turcs ont deux objectifs principaux : le rapatriement des quatre millions (chiffres aléatoires, certains observateurs parlant de 3,2 voire 3,6 millions) de réfugiés syriens en Turquie, à l’intérieur d’une zone de sécurité longue de 480 kms et d’une profondeur de 30 kms séparant les Kurdes de Syrie de ceux de Turquie ( de même que nombre de pays européens convergent globalement sur le refus des demandes automatiques d’asile) ; d’autre part la marginalisation des Kurdes. Dans le premier cas, après s’être opposés fermement et pendant treize ans au pouvoir de Bachar et soutenant toute une série de groupes rebelles, ils savent devoir négocier avec le chef des rebelles al-Joulani qui de son côté doit arrondir les angles pour assurer la stabilité de son régime. Dans le second, Ankara qui ne fait pas mystère de sa détermination à éliminer l’entité kurde (milices YPG, Unités de protection du peuple, considérées par le pouvoir turc comme une branche armée du PKK, Parti des travailleurs du Kurdistan) et qui pratique depuis 2018 la destruction du projet kurde et l’épuration ethnique à l’endroit de cette population a commencé à bombarder de nouveau Kobané, symbole de la résistance kurde face à l’État islamique (EI), ville fameuse pour la bataille historique victorieuse (soutien de la coalition internationale) contre l’EI en 2014-2015[22]. L’anticipation par Donald Trump d’une volonté de « se tenir à l’écart » d’un conflit n’étant pas celui des États-Unis laisse imaginer un retrait des 900 militaires américains de Syrie, ce qui ouvrirait à Ankara une voie royale d’élimination des YPG, d’élargissement de sa « zone de sécurité » en territoire syrien, d’un retour des réfugiés syriens y compris au Nord-Est du pays[23] et permettrait à Erdoğan d’empêcher la naissance d’un État kurde à sa frontière. Mais la conquête rapide d’une grande partie de la Syrie par les rebelles comporte aussi des risques pour les Turcs : même s’ils ont une influence notable sur HTC, ils ne le contrôlent pas directement et celui-ci négocie désormais avec de nombreux pays ; et puis Joulani et ses affidés seront-ils capables de gouverner le pays sur le long terme ? ; un HTC renforcé ne serait-il pas au demeurant en mesure de perpétrer des attentats en territoire turc ? C’est dire si la confiance est grande. Alors que même les milices proturques se comportent dans certaines zones comme des bandes criminelles et y terrorisent la population, comme cela a été le cas avec l’opération « aurore de la liberté » à l’est d’Idlib et dans le Nord-Est syrien à l’intérieur du territoire autonome kurde. De toute façon, Erdoğan fait également son miel d’un rôle nouveau d’intermédiaire, par exemple avec Ursula von der Leyen qui apporte des fonds, sur la Syrie[24].
Second gagnant : Israël. Sans doute l’État hébreu qui avait suggéré fin des années 1990–début des années 2000 un remplacement de l’Égypte par la Syrie au centre du monde arabe eût-il préféré un affaiblissement général de ce dernier pays très divisé sans que le régime baasiste de Bachar el-Assad s’effondre complètement mais reste en compétition armée avec des rebelles (eux-mêmes divisés) assez solides pour faire contrepoids. D’où la proposition secrète, et refusée, de Ron Dermer, ministre des Affaires stratégiques depuis 2022, d’un très fort soutien à la reconstruction du territoire syrien avec les Émirats arabes unis, au cas où Damas accepterait de se détourner de l’Iran. Pourtant, Jérusalem a de quoi se satisfaire puisqu’un maillon essentiel de l’Axe du Mal (axe de la résistance d’après ses instigateurs) a explosé, ce qui constitue un nouveau coup dur pour l’Iran avec lequel Israël est désormais en guerre ouverte et pour le Hezbollah privé de son « cordon ombilical »[25]. Hypothèse d’un accord secret de l’État hébreu avec la Turquie, voire les monarchies du Golfe (le Qatar financier de HTC) en défaveur de l’Iran ? Mais en dehors de la nouvelle faillite du Mossad et du renseignement israélien en général où l’on estimait jusque-là l’armée syrienne très robuste, il est difficile de croire que l’État hébreu ait souhaité une victoire aussi écrasante des rebelles sur le régime[26]. Tsahal, inquiet, redoutait une avancée de ceux-ci vers sa frontière du Golan et que les armements de l’armée syrienne ne finissent entre leurs mains ou bien celles du Hezbollah[27]. En sens inverse, on ne sait pas exactement jusqu’où les Israéliens ont pénétré dans le territoire syrien. La première rupture de l’accord de « désengagement » entre la Syrie et Israël remontant à 1974 (après la guerre du Kippour) a été l’entrée des troupes israéliennes (changement profond de mentalité et de doctrine) dans la « zone tampon » côté syrien le 8 décembre à la suite de la chute d’Assad : 235 km2 à la Force des Nations unies chargée d’observer le désengagement (UNODC), à environ 25 km2 de la Ligne Violette (ligne d’armistice de 1967). Ce qui inclut le secteur syrien du mont Hermon et les sources d’eau, Netanyahou ayant déclaré lors d’une visite sur le Golan que l’accord de 1974 s’était « écroulé »[28]. Les autorités israéliennes niant toute incursion au-delà et insistant sur le caractère limité (mais susceptible d’un élargissement tactique) et temporaire (au moins un an en fonction des évolutions de la situation en Syrie) de leur action. Critiques naturellement des Nations unies, et aussi du Caire, de Riyad, d’Amman et de Doha[29]. Mais selon des sources sécuritaires syriennes reprises par Reuters, les forces israéliennes se trouvaient le 10 décembre à une vingtaine de kms de Damas. Un média évidemment lié au Hezbollah prétend lui aussi que les chars israéliens se trouveraient peu avant Qatana (sous-préfecture du comté de Damas). Et puis : le ministre de la Défense Israel Katz n’a-t-il pas proclamé la nécessité d’établir une « zone sûre » au Sud de la Syrie, soit privée d’armes stratégiques lourdes ou d’une « infrastructure terroriste ». Il a aussi revendiqué une opération de la marine israélienne dont les navires ont détruit au moins six bateaux de guerre syriens amarrés dans le port de Lattaquié et munis d’engins téléguidés[30]. Il s’agirait plus globalement d’anéantir préventivement les moyens militaires du régime déchu. Dans la nuit du 9-10 décembre, l’aviation israélienne aurait mené quelque 300 raids (chiffres par la suite rehaussés) « pour détruire des stocks d’armes, bombarder les aéroports militaires, neutraliser la flotte de MIG-29 ainsi que de Sukhoï et d’hélicoptères de combat », de même qu’un centre de recherche « probablement utilisé pour fabriquer des armes chimiques et des missiles »[31]. Comme s’en explique le ministre des Affaires étrangères israélien Gideon Saar, il ne s’agit nullement d’intervenir dans les affaires intérieures syriennes, mais d’empêcher que des systèmes stratégiques comme les armes chimiques ou les missiles et autres engins de longue portée tombent entre les mains d’extrémistes[32]. Une neutralisation énorme (à hauteur de 90% des missiles sol-air, deux escadrons de SU-22 et de SU-24 sur la base T-4 près de Damas, l’aéroport de Blay avec trois escadrons d’avions de chasse, des sites de production et de stockage stratégiques notamment dans la région de Homs où se trouvait l’infrastructure du projet syrien de missiles Scud) qui représente « une réalisation significative pour la supériorité aérienne de l’armée de l’air dans la région[33]. Le Hezbollah redouterait en sens inverse une « normalisation » des rapports entre Israël et les rebelles !
Le premier grand perdant, c’est l’Iran des ayatollahs qui risque tout simplement son existence. Les ayatollahs n’ont pas hésité à abandonner Bachar ; ils n’avaient plus les moyens de continuer à investir dans pareil régime craquant de toutes parts et peu fiable. Les observateurs se demandaient avec impatience comment le guide suprême s’arrangerait à ne pas perdre la face devant la chute d’Assad qu’il a plusieurs fois qualifié de héros de l’islam, Téhéran investissant des dizaines de milliards de dollars pour le maintenir au pouvoir (politique qui avait suscité depuis longtemps une forte critique interne). Explication très embrouillée : la chute d’Assad ne serait nullement un signe de faiblesse de la République islamique ; les formations de volontaires (et les centaines de bases militaires) n’auraient rien pu entreprendre dès lors que l’armée syrienne (troupes à 20 dollars de solde mensuel) réagissait fort peu à la « conspiration américano-israélienne »; l’investissement de quelque 50 milliards de dollars aurait été dicté d’un côté par la protection des lieux saints chiites, de l’autre par la doctrine de « défense avancée » dans des pays étrangers. Et puis les rebelles de HTC, passés par une « transformation génétique » depuis 2016 et qui se sont engagés à protéger les lieux saints, se distingueraient des autres groupes salafistes. Comme premier acte de résistance, Téhéran a garanti au Hezbollah les financements pour une compensation financière destinée aux victimes des bombardements israéliens[34]. Attention cependant : il est vrai que les mollahs ont annoncé le retrait de leurs éléments de Syrie après la chute d’Assad[35], mais les Israéliens se méfient apparemment des renversements de renversements d’alliance, car la République islamique qui aurait pris contact avec le nouveau pouvoir en Syrie peut profiter d’un chaos éventuel pour mobiliser les victimes d’une délicate reconstruction ; il semble d’autre part que Joulani évolue sur les rapports avec l’Iran.
PS Quadrature du cercle (autour de l’axe) : l’armée israélienne annonce le jeudi 19 décembre au matin avoir frappé (représailles) dans la nuit précédente non seulement les trois ports mais aussi des infrastructures énergétiques de Sanaa, la capitale du Yémen sous domination des Houthis (zaydites qui se définissent au sein du chiisme) soutenus (armements et logistique) mais difficilement gérables par l’Iran. Leçon retenue ?
Le deuxième perdant, c’est la Russie de Vladimir Poutine. Bachar el-Assad, pour ce dernier, symbolisait le fait que, contrairement à l’Occident, il protégeait vraiment ses protégés et ne tolérerait pas une réédition de la fin tragique de Kadhafi. Quand Moscou intervint fin septembre 2015 aux côtés du dictateur criminel dans la guerre civile syrienne, le patriarche de l’Église orthodoxe russe Cyrille allait parler d’une « lutte sacrée » contre le terrorisme. Poutine se présentait face aux Occidentaux comme le garant de « l’intégrité territoriale » de la Syrie contre les terroristes : raids aériens, forces spéciales et groupe Wagner. Encore le 7 décembre, on expliquait que les forces aériennes russes et syriennes avaient lancé des raids dans les provinces d’Idlib, d’Alep et de Hama et anéanti « plus de 300 terroristes, 55 unités et un entrepôt d’armements »[36]. Comme si le président russe avait voulu établir en Syrie des faits de terrain incontestables (et sans doute ces succès ont-ils joué un rôle dans la décision d’une offensive de grande ampleur en Ukraine en février 2022.
Or, la fin d’Assad est côté russe un signe de faiblesse ; Moscou a surévalué ses forces et en a surchargé les capacités. Impossible de mener deux guerres à la fois. Surtout dans la mesure où le théâtre ukrainien revêt pour les Russes une importance sans comparaison (d’où probablement les accusations (extraordinairement complexes) en direction de l’Ukraine ; cette dernière aurait armé les « terroristes » avec des drones et des modules de GPS[37]. De toute façon : si le régime syrien s’est effondré, malgré l’aide des Russes, c’est entièrement de sa faute puisqu’il a lui-même « malheureusement » entraîné le pays dans la situation actuelle. D’ailleurs, les « terroristes » d’hier sont devenus l’espace d’un instant pour les autorités russes des « représentants de l’opposition », des interlocuteurs respectables. Résumé plein d’humour (noir) de Poutine : nous étions venus en Syrie pour empêcher la formation d’une « enclave terroriste », le problème ne se pose plus dès lors que les rebelles « ont changé de peau »[38].
Maintenant Moscou reconnaît le pire : les Russes abandonnent Assad (accueilli très discrètement) et doivent rechercher un moyen de préserver l’essentiel, soit le « hub stratégique » de projection en Méditerranée et vers l’Afrique afin de pouvoir menacer l’Otan sur son flanc sud-est à partir de la Syrie et continuer à jouer un rôle de leader mis en scène du « Sud global », donc absolument deux bases (sur des dizaines d’emprises militaires) : Tartous, unique base permanente russe en Méditerranée qui remonte à l’Urss, les navires russes ravitaillés et réparés pouvant rester en Méditerranée « sans avoir à passer par les détroits turcs pour rejoindre les bases du Kremlin en mer Noire » et la base aérienne de Hmeimim (60 kilomètres plus au nord) construite secrètement en 2015, dans la province de Lattaquié avec une bonne partie des 7 500 militaires et mercenaires russes. Mais déjà avant le départ d’Assad, on avait pu relever une baisse du nombre d’avions et d’hélicoptères de combat de 80 à 15-20[39]. Et malgré des assurances des rebelles syriens, cinq bâtiments de surface, dont la nouvelle frégate Amiral Gorchkov équipée de missiles hypersoniques et le sous-marin à propulsion classique B-261 Novorossiisk sont partis au large[40]. Pour revenir ? Il semble que non bien que le départ ne doive pas apparaître comme une fuite, ce qui accentuerait encore la défaite. Ou bien passer en Libye (Cyrénaïque) chez le général Haftar auquel les Russes ont déjà loué des terrains pour la base aérienne et explorer les possibilités d’une base navale, mais là-bas les accords sont difficiles et la distance lointaine si bien que les avions de transport russes devraient partir vides : l’arrivée d’Ilyushin-76 à Al Khadima (à l’est de Benghazi) à la mi-décembre devrait cependant inquiéter l’Otan). Il y a également l’Algérie qui entretient d’excellents rapports avec Moscou et au large de laquelle se situe une « forêt maritime » où chacun peut se dissimuler. Ou encore l’Égypte (côte méditerranéenne ou sur la mer Rouge avec la base de Bérénice), mais le président al-Sissi craint de provoquer une réaction négative des Américains[41]. Autre éventualité, celle de Port-Soudan, projet en pourparlers depuis l’été pour une base navale en mer Rouge, mais il s’agit d’un pays en pleine guerre civile[42]. Les États africains ont-ils d’ailleurs les moyens de payer des mercenaires ? Dans tous les cas de figure, on se souvient avec amusement que les Russes avaient moqué le retrait d’Afghanistan sous la direction de Joe Biden.
Il va donc falloir négocier avec des partenaires. D’abord les ex-rebelles, mais qu’en serait-il si ceux-ci réclamaient non seulement des finances, des matières premières, des mercenaires, mais aussi que Moscou leur livre Assad. Et surtout avec l’imperator Erdoğan qui compte beaucoup en Syrie et ne sera pas un protagoniste facile d’autant qu’un départ des Russes lui permettrait de gagner en influence dans le secteur maritime entre la République turque de Chypre du Nord (occupée par Ankara depuis 1974) et la Syrie.
Qui est au juste Abou Mohammed Al-Joulani (issu du Golan par son grand-père), l’ex-djihadiste qui se fait désormais appeler Ahmed al-Chareh, son nom d’état civil. Le nouvel homme a « le CV parfait » du djihadiste sunnite violent : il rejoint les rangs de la branche irakienne d’al-Qaida en 2003 ; il passe cinq ans dans les prisons américaines où il croise Abou Bakr al-Baghdadi, futur chef de l’État islamique. Il fonde en 2011 (début de la révolte contre Bachar el-Assad) le front al-Nosra (méthodes ultraviolentes et propension aux attentats-suicides). Il refusera de faire alliance avec le « calife » autoproclamé et lui préfère l’émir d’al-Qaida, Ayman al-Zawahiri. En 2015, il déclare passer du djihadisme international à une focalisation sur le front syrien, soit à un nationalisme extrémiste. Bien que son organisation se situe au-delà des États puisque son groupe s’intitule « Organisation de libération du Levant ». Nombreux sont les observateurs qui soulignent le pragmatisme d’Al-Joulani lequel multiplie les efforts de communication dans le sens d’un apaisement pour rassurer les minorités, en particulier les chrétiens. En quelque sorte un « talibon ». Mais les meilleurs spécialistes de la région comme Fabrice Balanche, Aron Lund ou Hans-Jakob Schindler (ce dernier rappelant que HTC avait glorifié le 7 octobre, donc il y a seulement un peu plus d’un an) n’accordent pas de crédit à cette thèse, malgré l’euphorie qui règne en Syrie et outre la foule en liesse après l’offensive rebelle ; ce dernier souhaite que le groupe et son chef demeurent sur la liste des « organisations terroristes » des États-Unis et des Nations unies[43]. Joulani essaie de s’établir comme une sorte de Nasrallah sunnite se voulant à la fois dirigeant religieux, autorité paternelle pour sa clientèle et partenaire des puissances étrangères[44]. D’ailleurs, certains de ses membres « ne cachent pas leur volonté de mettre en place un régime fondamentaliste »[45]. Fabrice Balanche se demandait à juste titre qui va hériter du pouvoir, Joulani et le HTC ou bien un Conseil national de transition ? Le chef au-dessus des lois n’a-t-il pas nommé immédiatement un de ses fidèles au poste de Premier ministre du gouvernement provisoire, Mohammed al-Bachir, diplômé en ingénierie mais aussi en science de la charia, ex-dirigeant du « Gouvernement de salut » autoproclamé (pas spécialement démocratique comme le montre Aaron Y. Zelin) de la province d’Idlib, pour assurer la transition ?[46] Le personnage s’explique péniblement devant la presse sur la Constitution islamique ou pas de l’État à venir ; il reviendra au processus « constitutionnel » de « régler ces détails » ; et c’est précisément parce les rebelles sont musulmans que les droits de toutes les ethnies et confessions seront respectés ; les réfugiés syriens à l’étranger sont appelés à rentrer au pays[47]. En réalité, tout se passe comme si Joulani avait étendu à toute la Syrie son gouvernement d’Idlib[48]. Tous les ministres de ce gouvernement provisoire en sont issus. On comprend que les alaouites (secte chiite ésotérique ), base confessionnelle du clan Assad, 10% de la population (chiffres de 2012), craignent d’être après cinquante ans de collusion avec le régime de subir une accusation de culpabilité collective de ses exactions[49]. Mais cela vaut aussi bien pour les chrétiens (plus que 4,6% en 2012) ; le père Firas Lutfi, supérieur des franciscains de Damas et curé du couvent Saint Paul déclare qu’ils espèrent ne pas finir comme la Libye, ou pire comme l’Afghanistan[50]. Enfin, les miracles sont toujours possibles.
L’inquiétude des habitants et des États favorables à un changement de régime renvoie à un scénario de morcellement analogue à celui de l’Irak post-Saddam Hussein dans un pays « déjà fracturé par treize années de guerre où de nombreux acteurs régionaux interfèrent »[51]. Les services secrets craignent que l’ex-califat de l’EI n’enfourche les problèmes et ne remplisse les vides laissés pour compte par les loyalistes comme en témoigne l’activité de ses militants qui ont revendiqué cette année 260 attaques (soit le double de l’année précédente) et ont gagné en intensité dans la Badiya (désert de Syrie) et le « triangle des Bermudes » confinant avec la zone kurde, d’où l’opération aérienne menée le 9 décembre par le Pentagone comme en général les frappes incessantes et les incursions des Américains en appui aux Kurdes : recrutement de kamikazes dans les camps de réfugiés, de volontaires ; vol de matériel militaire ; installation d’engins explosifs sur les routes ; réseau de financement par l’extorsion et le trafic ; exploitation des différends entre les composantes de l’insurrection ; appel aux sympathisants en Europe. « Le chaos constituera inévitablement une aubaine pour l’EI » lequel reconstruit lentement mais sûrement ses réseaux dans tout le pays » (Colin Clarke) ; l’EI n’a certes plus la puissance dont il disposait de 2014 à 2029 avec le « califat », mais il se présente comme la seule alternative au régime d’Assad[52]. « L’armée nationale syrienne » (ANS) payée par les Turcs et remontant à 2017, très indisciplinée, issue d’une fusion entre « l’armée syrienne libre » (plusieurs factions rebelles) et des groupes islamistes, soit une myriade d’effectifs plus ou moins lâches, à la manœuvre (jusqu’à quand en raison des relations dégradées depuis 2018 et la prise de contrôle de la région d’Idleb ?) aux côtés de HTC concourt à l’établissement par Ankara d’une bande frontalière d’Idleb à l’Irak et doit servir au nettoyage ethnique (Fabrice Balanche) du territoire conquis où seront rapatriés les quelque quatre millions de réfugiés syriens présents en Turquie ; elle a tout de suite lancé une offensive sur Manbij sur la rive droite de l’Euphrate au nord de la Syrie (un des six districts du directorat d’Alep) avec l’intention d’éliminer les Kurdes (8,3% en 2012) lesquels font partie avec des groupes arabes des Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition alliée des Américains qui ont des bases et des soldats à l’intérieur de la partie de la Syrie contrôlée par les Kurdes dans l’affrontement avec l’EI[53].
Les FDS « (avaient) étendu leur emprise » après la débandade de l’armée d’Assad à Abu Kamal et Deir ez-Zor à la frontière avec l’Irak (naguère autoroute des approvisionnements iraniens pour le Hezbollah et le régime d’Assad, et sorte de narco-zone avec la production et le trafic de captagon sous les ordres de Maher et des cousins de Bachar)[54]. Mais elles ont désormais dû lâcher les villes de Manbij (le 9 décembre) après Tall Rifaat (la veille) aux bandes proturques de l’ « ANS »[55] ; puis de Deir ez-Zor le 10 décembre – défection des alliés arabes liés au nouveau régime[56]. Et puis, le HTC vient du Nord alors que les premiers rebelles arrivés à Damas sont du Sud et se sentent supplantés[57]. En outre : d’une part, l’abandon au moins public de l’islamisme ne plaît pas à toutes les forces à l’intérieur de HTC ; d’autre part, une bonne partie de la population d’Idlib même n’est pas du tout prête à troquer la dictature d’Assad contre une autocratie de HTC. On n’oubliera pas qui plus est le désir de vengeance des proches de foules massacrées et les oppositions tribales ou claniques[58]. Ensuite il y a le problème des armes chimiques : ce serait évidemment un désastre si une des factions réussissait à s’en emparer, préoccupation majeure des Américains et des Israéliens ; c’est pourquoi Jérusalem aurait déclenché une frappe sur un des dépôts concernés le dimanche 8 décembre[59]. Enfin le Hamas[60], malgré ses liens avec Téhéran, n’a jamais caché sa solidarité avec les opposants à Assad et félicité les rebelles après leur victoire ![61].
Le pape Bergoglio nous étonnera toujours. Ne nous avait-il pas sidérés d’admiration en adoptant une position « diplomatique » entre Russie et Ukraine, la seule qui soit susceptible d’encourager les adversaires à éviter une troisième guerre mondiale ? Voilà qu’il déclare explicitement qu’il convient d’enquêter sur un possible génocide israélien à Gaza dans un livre publié en vue du Jubilé 2025 : La speranza non delude mai. Pellegrini verso un mondo migliore écrit en collaboration avec le journaliste argentin Hernán Reyes. Ce qui en dit long sur les tensions avec le gouvernement Netanyahou (et sans doute Israël) bien que le Souverain Pontife se soit inquiété du sort des otages du 7 octobre et qu’il ait reçu les familles. D’ailleurs le secrétaire d’État Pietro Parolin avait parlé lui-même de « carnage » et de réaction « disproportionnée » à l’intérieur de la bande. Le théologien et archevêque de Chieti-Vasto Bruno Forte aura beau corriger dans le sens d’une volonté de dénoncer des faits « atroces » et rappeler « le grand amour » de Bergoglio pour les juifs. Réponse logique de Jérusalem et des rabbins italiens, lesquels savent bien que le pape quant il s’agit d’appeler à la paix mentionne toujours la Palestine (laquelle ?) avant Israël, à cette déclaration soulignant une inversion des faits : l’État hébreu n’a fait que se défendre.après le pogrom du 7 octobre ; Bergoglio transforme les agressés en agresseurs. Et le Grand-rabbin de Rome, Riccardo Di Segni, d’évoquer les risques entraînés par la déclaration du pape et le refroidissement des rapports entre les Juifs et le monde catholique (régression)[62]. Au fait : le Souverain Pontife s’est-il jamais intéressé à la famille Assad ?
[1] Paris, Éditions du Seuil, 1980, p. 236. Voir du même auteur à qui personne décidément n’échappe en Occident « Freud et le monde extra-européen » (Freud and the Non-European), Paris, Le Serpent à Plumes, 2004.
[2] Cf. Bernard Lewis, « The Question of Orientalism », The New York Review of Books, 24 juin 1982. Pour un vrai livre d’histoire sur le sujet, cf. Georges Minois, Comment peut-on être persan? L’islam en question, de la Renaissance à l’âge classique, Champ Vallon, Ceyzérieu, 2024.
[3] L’Orientalisme, op. cit., p. 349 : rien non plus sur les États-Unis, affirme l’auteur, alors que dans ce pays des dizaines d’organisations étudient l’Orient arabe et islamique. On ne résiste pas ici au plaisir de citer un ouvrage majeur comme Re-Envisioning Egypt 1919-1952, certes édité par Arthur Goldschmidt, Amy J. Johnson, Barak A. Salmoni chez The American University in Cairo Press, Le Caire/New York, 2005, mais résolument « multiethnique », incluant par exemple en bonne place sur l’histoire de l’armée égyptienne Tewfik Aclimandos, membre du comité de rédaction d’Outre-Terre Revue européenne de géopolitique (Paris-Rome).
[4] Un livre de sa main sur l’Algérie eût été particulièrement bienvenu.
[5] L’Orientalisme, op. cit. p. 336-339, en particulier sa présentation de Chaïm Weizmann : les débats à l’intérieur du sionisme ne l’intéressent nullement.
[6] « L’orientalisme. L’Orient créé par l’Occident. Ouvrage de Edward W. Saïd », Irénées.net, Fiche de document, p. 6.
[7] Cf. A. Ni., « Hezbollah parla di “vittoria divina” e promette l’elezione del presidente », Corriere della Sera, 30 novembre 2024 qu’il faut abolument suivre.
[8] Cf. Andrea Nicastro, « Israele spara contro Hezbollah A Beirut la cerimonia per Nasrallah », Corriere della Sera, 1er décembre 2024.
[9] Cf. « L’inquiétante faiblesse des chrétiens d’Orient », Le Figaro, 3 décembre 2024 quant au sort des 25 000 chrétiens d’Alep après la prise de la ville par les djihadistes. L’Occident n’avait-t-il pas « naïvement » qualifié la guerre civile libanaise de conflit entre chrétiens et « islamo-progressistes » ? L’auteur rappelle que Kissinger envisageait sans ambages l’exfiltration des chrétiens libanais vers le Canada ! À propos de l’État hébreu dont il ne voit pas clairement que celui-ci forme une avant-garde de l’Occident au Moyen-Orient, Renaud Girard tient par contre un double discours. D’une part : « Au Moyen-Orient, l’axe chiite (Iran, Irak, Syrie, Hezbollah libanais, houthistes du Yémen) a été considérablement affaibli depuis l’automne 2023 par sa prise de position en faveur des Palestiniens de Gaza et par sa guerre perdue contre Israël. Tsahal a en effet réussi non seulement à décapiter le Hezbollah, mais aussi à détruire le système de défense anti-aérienne iranien ». D’autre part, les minorités chrétiennes d’Orient ont été « les victimes collatérales du conflit entre les Juifs sionistes et les Arabes sunnites ». Et enfin : « Il est assez troublant de constater actuellement une convergence militaire objective entre Israël et les milices islamistes sunnites, pouvant déboucher sur l’éviction des chrétiens de Syrie », le régime baasiste les ayant traditionnellement protégés.
[10] « Lehren für Khamenei », FAZ, 10 décembre 2024. « Wie Irans Führer Assads Sturz erklärt », FAZ, 12 décembre 2024 à propos du discours de Khamenei le 11 décembre.
[11] « Irans neues Kopftuch-Gesetz », FAZ, 3 décembre 2024 quant à la « Loi sur la protection de la famille par la promotion de la culture du hijab et de la chasteté » : des amendes de 260 à 2 200 euros, retrait du passeport, jusqu’à dix ans de prison.
[12] « Washington et ses alliés occidentaux “très préoccupés” par les nouvelles centrifugeuses iraniennes », Le Figaro/AFP, 23 novembre 2024 ; « Iran baut Atomprogramm aus », FAZ, 23 novembre 2024 : l’Iran avait déjà réagi de la même manière à des résolutions similaires en 2022 et juin 2024 en développant son programme nucléaire et en limitant les possibilités de contrôle de l’AIEA ; « Iran plant mehr Zentrifugen », FAZ, 30 novembre 2024.
[13] « L’Iran annonce la reprise des pourparlers autour de son programme nucléaire », i24NEWS , 24 novembre 2024 = « Iran passes controversial “chastity” law imposing even harsher dress restrictions. The president doesn’t like it », CNN, 4 décembre 2024, https://www.cnn.com [8 décembre 2024] ; Alexander Ward, Laurence Norman, « Trump Team Weighs Options, Including Airstrikes, to Stop Iran’s Nuclear Program : Report », The Wall Street Journal, 13 décembre 2024 ; « Trump valuta attachi aerei per fermare il nucleare », Corriere della Sera, 14 décembre 2024 : ce que les Américains veulent éviter, c’est d’être eux-mêmes impliqués dans l’action.
[14] Cf. Christian Meier, « Irans Gegner sehen eine Gelegenheit », FAZ, 14 décembre 2024 ; i24NEWS, 13 décembre 2024, « Les États-Unis et Israël pourraient coordonner une frappe contre l’Iran ».
[15] « L’Iran voit dans le cessez-le-feu une opportunité de reconstruire le Hezbollah », i24NEWS, 1er décembre 2024 : Téhéran cherchant à évaluer les capacités de son principal proxy après de grosses pertes et à renforcer celui-ci .
[16] L’actuel renseignement américain s’inquiète d’une montée en puissance nucléaire de l’Iran en cas de raids israéliens, « Les États-Unis avertissent qu’une attaque israélienne ou des sanctions supplémentaires rapprocheraient l’Iran de l’arme nucléaire », i245NEWS, 6 décembre 2024 : Téhéran précipiterait dans ce contexte l’enrichissement de l’uranium et pourrait se doter d’au moins douze armes nucléaires.
[17] « Mort d’un rabbin aux Émirats : plusieurs suspects arrêtés », i24NEWS, 24 novembre 2024 ; cf. Davide Frattini, « Emirati, ucciso il rabbino. L’ira di Israele », Corriere della Sera, 25 novembre 2024 ; Guido Olimpio, « La cellula uzbeka e la pista del colpo pilotato dall’Iran », ibid. ; « Les Émirats confirment le meurtre d’un rabbin israélo-moldave, les trois auteurs arrêtés », Le Figaro/AFP, 24 novembre 2024.
[18] « le Shin Bet déjoue une vaste campagne de cyberattaques iraniennes contre des Israéliens » : les services de sécurité ont identifié 200 tentatives d’intrusion visant des responsables politiques et sécuritaires israéliens », i24NEWS, 2 décembre 2024.
[19] En l’occurrence il y a vraiment mystère sur le territoire syrien : on espère retrouver dans les archives du régime quantité de renseignements inédits concernant spécialement les relations avec le Hezbollah, celles complexes avec les pasdarans (gardiens de la révolution) de la Force Al-Qods, les Iraniens ayant soupçonné les Syriens après toute une série d’attentats ciblés israéliens de les avoir trahis, cf. Guido Olimpio, « Attentati, omicidi, rapimenti Negli archivi decenni di segreti », Corriere della Sera, 10 décembre 2024 ; Georges Malbrunot, « En perdant la Syrie, l’Iran a vu sombrer son “axe de la résistance” », Le Figaro, 14 décembre 2024 pour le « canal secret » entre Damas (Assad) et Israël qui serait allé jusqu’au partage de renseignements avec Jérusalem sur des cibles iraniennes en Syrie et quant au silence des Syriens après les représailles massives post-pogrom contre Gaza, de même qu’à propos de la réaction « a minima » d’Assad face à l’élimination de Nasrallah ; de la même manière le dictateur syrien allait restreindre les mouvements des groupes iraniens, « leur refusant l’accès au voisinage du Golan » en échange de pétrodollars des pays arabes du Golfe avec lesquels il s’était mis à « flirter » pour la reconstruction de son pays ; Téhéran n’avait plus confiance en Assad.
[20] i24NEWS, 9 décembre 2024, « La Turquie était informée des plans de renversement d’Assad six mois à l’avance » : les rebelles avaient simplement demandé à Ankara de ne pas intervenir ; alors que les Turcs redoutaient seulement un afflux supplémentaire de réfugiés ; Anne Andlauer, « La Turquie gagnante mais prudente après la chute d’Assad », Le Figaro, 9 décembre 2024 : Ankara s’est félicité de la déroute d’Assad, mais s’attend à une période de transition délicate.
[21] Cf. Renaud Girard, « Chute de Damas : Erdoğan est le grand gagnant », Le Figaro, 10 décembre, 2024 : le président turc avait d’abord recouru à la diplomatie, proposant à Assad, son ex-ami, « un pacte politique et économique » à condition que son homologue reprenne chez lui les quatre millions de réfugiés syriens rejetés par la population turque ; Bachar qui n’avait aucune confiance dans ces Syriens « à la loyauté forcément douteuse » vis-à-vis du régime baasiste s’était contenté de temporiser.
[22] Alors que le Pentagone insiste sur le danger représenté par l’EI au cas où les Kurdes s’effondreraient et que certains républicains proposent la création d’une zone démilitarisée susceptible de maintenir la sécurité aux confins de la Turquie tout en s’opposant à de quelconques attaques contre le Kurdistan, cf. le très pertinent article de Guido Olimpio, Monica Ricci Sargentini, « La partita del Sultano », Corriere della Sera, 14 décembre 2024 ; Washington souhaite par le biais de son secrétaire d’État Antony Blinken négocier un cessez-le-feu impliquant le repli des combattants kurdes sur la rive orientale de l’Euphrate, « USA suchen Ankaras Hilfe in Syrien », FAZ, 14 décembre 2024 ; Friederike Böge, « Wie die Türkei ihren Einfluss in Syrien ausbaut », FAZ, 16 décembre 2024 : Ankara s’est rapproché du régime de transition à Damas et se dit prêt à contribuer à la formation des soldats syriens comme à coopérer avec les nouvelles forces armées ; il a rouvert au bout de douze ans son ambassade ; il réclame s’opposant aux États-Unis le départ de tout le commandement des YPG et des combattants du PKK à l’intérieur de leurs rangs ; le ministre syrien de la Défense Yaşar Güler serait d’accord pour une dissolution des YPG « à terme plus ou moins rapide » ; par contre les nouvelles autorités n’apportent pas de réponse claire. Lara Seligman, « US Fears Military Buildup by Turkey Signals Preparation for Incursion into Syria », The Wall Street Journal, 17 décembre 2024 ; « Sorge vor türkischem Einmarsch in Syrien », FAZ, 18 décembre 2024 : on s’inquiète à Washington de concentrations de troupes turques à la frontière syrienne.
[23] Selon Ankara 115 000 Syriens seraient déjà « volontairement » rentrés en 2024 ; des organisations des droits de l’homme rapportent cependant que de nombreux réfugiés auraient été contraints de signer des « accords volontaires » de départ.
[24] Cf. Friederike Böge, « Erdoğan geniesst seine neue Rolle als Syrienvermittler », FAZ, 18 décembre 2024.
[25] Cf. Guillaume de Dieuleveult, « Israël déploie des renforts sur le plateau du Golan », Le Figaro, 9 décembre 2024.
[26] Cf. Guido Olimpio, « Il doppio gioco turco, le distrazioni di Putin Fin dove si spingeranno gli ex qaedisti di Hts ? », Corriere della Sera, 1er décembre 2024.
[27] i24NEWS, 6 décembre 2024, « Israël craint que les rebelles syriens ne parviennent bientôt à sa frontière du Golan ».
[28] « Tsahal s’empare de sites stratégiques dans le secteur syrien du mont Hermon pour établir une zone tampon », i24NEWS, 8 décembre 2024 ; Giusi Fasano, « Netanyahu sul monte Hermon Giallo sul viaggio al Cairo per Gaza “Restiamo per garantire sicurezza” : Haaretz : svolta con l’Arabia Saudita », Corriere della Sera, 18 décembre 2024.
[29] Cf. Christian Meier, « Nach Assads Sturz handelt Israel, statt abzuwarten », FAZ, 11 décembre 2024. Netanyahou a parlé, suscitant une très mauvaise humeur de Joulani, de doubler les implantations du Golan (lequel et avec quels colons ?).
[30] i24NEWS, « LIVE BLOG I Israël a mené une attaque contre des navires de la marine dans le port de Lattaquié, au nord-ouest de la Syrie (médias) », 9 décembre 2024.
[31] Cf. Davide Frattini, « Israele nella zona cuscinetto del Golan I raid et il timore per le arme chimiche », Corriere della Sera, 9 décembre 2024 ; Guillaume de Dieuleveult, « Bombardements, troupes au sol : les Israéliens à l’offensive sur le territoire syrien », Le Figaro, 11 décembre 2024.
[32] « Freudenschüsse und Plünderungen », FAZ, 10 décembre 2024.
[33] i24NEWS, 12 décembre 2024, « l’opération “Flèche du Bashan” détruit 90% des capacités stratégiques syriennes ».
[34] « Wie Irans Führer Assads Sturz erklärt », FAZ, 12 décembre 2024 à propos du discours de Khamenei le 11 décembre ; A.Ni., « Khamenei accusa “È stato complotto di Israele e Stati Uniti” » E promette resistenza », Corriere della Sera, 12 décembre 2024.
[35] i24NEWS, 10 décembre 2024, « L’Iran confirme le retrait de ses forces de Syrie après la chute d’Assad » : les dirigeants des gardiens de la révolution confirment que les conseillers militaires iraniens étaient présents jusqu’à la veille de l’événement.
[36] Cf. Friedrich Schmidt, « Für Putin ein Zeichen der Schwäche », FAZ, 9 décembre 2024.
[37] Cf. Guido Olimpio, « La mano ucraina (e i suoi droni) ai ribelli siriani Indizi, dubbi e propaganda », Corriere della Sera, 12 décembre 2024.
[38] Cf. Marco Imarisio, « Putin “Sono pronto ai negoziati, ma prima a Kiev si voti” », Corriere della Sera, 20 décembre 2024.
[39] Cf. Claudia Bröll, Friedrich Schmidt, « Russische Zeitenwende », FAZ, 12 décembre 2024.
[40] Impossible de penser que les attaques israéliennes sur zone aient pu être effectuées sans l’aval discret du Kremlin, par exemple à Tartous dans la nuit du 15 au 16 décembre, cf. « Syrie : des frappes israéliennes “comme un tremblement de terre” près de Tartous », L’Orient-Le Jour/AFP, 16 décembre 2024.
[41] Cf. Guido Olimpio, « Siria, i russi preparano i cargo Primi segnali di smobilitazione », Corriere della Sera, 15 décembre 2024.
[42] Cf. Alain Barluet, « L’équilibrisme de Moscou pour préserver sa place dans le jeu syrien », Le Figaro, 12 décembre 2024
[43] Cf. Tanguy Berthemet, « Al-Joulani, l’ex-djihadiste qui se rêve homme d’État », Le Figaro, 10 décembre 2024.
[44] Cf. Christoph Ehrhardt, « Pragmatische Islamisten und Vasallen Erdoğans », FAZ, 3 décembre 2024.
[45] Cf. Apolline Convain, « À Damas, l’espoir fragile d’une nouvelle ère pacifique », Le Figaro, 10 décembre 2024.
[46] Cf. Apolline Convain, « À Idlib, vitrine du nouveau pouvoir syrien, “on vit proche du Coran” », Le Figaro, 13 décembre 2024.
[47] Entretien avec le Corriere della Sera, « “Garantiremo i diritti di tutti i popoli siriani I profughi ritornino” », 11 décembre 2024.
[48] Cf. Georges Malbrunot, « En Syrie, les premiers pas difficiles de la transition politique », Le Figaro, 12 décembre 2024 : deux tests, l’alcool et la mixité dans les écoles.
[49] Cf. « Er traut den neuen Herrschern nicht », FAZ, 16 décembre 2024 : les alaouites de la montagne côtière (noyau de leur clan) sont partagés entre la peur d’un régime islamiste et une colère folle contre la dictature d’Assad qui les a trompés et abandonnés ; Louis Solal, « À Lattaquié, le sauve-qui-peut des partisans de Bachar el-Assad », Le Figaro, 18 décembre 2024 : les opposants crient vengeance.
[50] Cf. Gian Guido Vecchi, « Padre Firas Lufti “Per noi cristiani attesa e angoscia, speriamo di non finire come l’Afghanistan” », Corriere della Sera, 11 décembre 2024.
[51] Cf. Georges Malbrunot, « Dans la Syrie post-Assad, éviter le spectre d’un chaos à l’irakienne », Le Figaro, 9 décembre 2024. Pour une vision globale de l’histoire syrienne, voir Lorenzo Trombetta, Siria Dagli ottomani agli Asad. E oltre, Mondadori Education, deuxième édition 2014 (2013).
[52] « L’État islamique attend le chaos et prépare son retour », Le Figaro, 11 décembre 2024.
[53] Cf. Amaury Coutansais-Pervinquière, « “L’armée nationale syrienne”, ce groupe rebelle soutenu par la Turquie à la manœuvre en Syrie », Le Figaro, 8 décembre 2024 ; « Kurden geraten in Syrien unter Druck », FAZ, 13 décembre 2024.
[54] Cf. Entretien d’Alexandre Devecchio avec Gilles Kepel « La chute de Bachar el-Assad est la manifestation cruciale d’un bouleversement du monde », Le Figaro, 9 décembre 2024. Les forces armées du régime étaient épuisées et nombre de désertions enregistrées, y compris chez les alaouites lesquels expliquaient être fatigués de se battre pour el-Assad », Christoph Ehrhardt, Friederike Böge, Friedrich Schmidt « Assads Truppen sind ausgezehrt », FAZ, 12 décembre 2024. Andrea Nicastro, « Bidoni, impianti e guardie armate Nell’ex fabbrica del Captagon, droga di regime », Corriere della Sera, 15 décembre 2024 : entre 5 et 30 milliards annuels de chiffre d’affaires ; le régime d’Assad et le Hezbollah avait accaparé 80% du marché ; le fléau de la « cocaïne du pauvre » pesant sur les sociétés arabes voisines, en particulier dans le Golfe ; une fermeture de semblables usines renforcerait naturellement la crédibilité du régime de transition en Syrie au moment où il va solliciter de l’aide financière pour la reconstruction du pays. Avant tout parce que le pays se trouve maintenant dans un état lamentable, cf. Sibylle Rizk, « Un pays en ruine face à des défis colossaux », Le Figaro, 18 décembre 2024 : PIB estimé en mai à quelque six milliards de dollars par la Banque mondiale, soit 10% de son niveau de 2010 ; exode d’un tiers environ des 22 millions de Syriens de 2011.
[55] Cf. Fabrice Balanche, « Vers la fin de l’entité kurde en Syrie », Le Figaro, 13 décembre 2024 que nous suivons : Deir ez-Zor et la rive droite de l’Euphrate, brièvement occupée par les FDS après le départ des milices pro-iraniennes et de l’armée syrienne, ont été rapidement reprises par différentes factions arabes liées au nouveau régime de Damas ; en ligne de mire, les riches champs pétroliers d’al-Omar (70% de la production syrienne, contrôlés par les FDS et les troupes américaines depuis 2017) sur la rive orientale de l’Euphrate ; les populations arabes supportaient le pouvoir kurde parce qu’elles ne voulaient pas retomber sous le joug de Bachar, mais ont voulu désormais rejoindre Damas. Le chaos entraîné par l’« ANS » dans les villes conquises s’est illustré par des scènes de mise à sac, d’exécutions sur le terrain et de tortures.
[56] Cf. Guido Olimpio, « La retrovia iraniana, le mosse di Erdoğan: quali sono gli attori e gli scenari della crisi », Corriere della Sera, 12 décembre 2024.
[57] Cf. Christoph Ehrhardt, « Das Leben soll weitergehen », FAZ, 13 décembre 2024.
[58] Pour les actes inhumains et très organisés d’une sauvagerie inouïe dans les prisons syriennes, cf. Andrea Nicastro, « Dalle bende alle torture : il vocabolario dell’inumano delle carceri del regime », Corriere della Sera, 14 décembre 2024. Id., « Trovata un’altra fossa comune “Almeno 100 mila siriani sepolti” », Corriere della Sera, 18 décembre 2024 ; id., « I massacri di Hafez e il sarin di Bashar I 50 anni di crimini contro l’umanità del clan Assad Durante la guerra civile 500 mila morti L’Onu : i criminali di guerra sono 4 mila », ibid.
[59] i24NEWS, 17 décembre 2024, « Golan : des villageois et des rebelles syriens remettent des armes chimiques d’Assad à Israël » : Des habitants et combattants de l’opposition transfèrent aux forces israéliennes d’importants stocks d’armement, dont des agents chimiques !
[60] Sur le Hamas, voir le riche ouvrage de Paola Caridi, HAMAS Dalla resistenza al regime, Milan, Feltrinelli, 2023 (2009). En tout cas, la thèse d’un Hamas Janus bifrons avec une organisation extérieure raisonnable et une milice intérieure radicale a définitivement fait faillite. Au contraire, le Jihad islamique s’en va, i24NEWS, 6 décembre 2024, « La direction du Jihad islamique fuit la Syrie après la chute du régime Assad ».
[61] Cf. Guido Olimpio, « Dall’Isis al Kurdistan I 4 fronti ancora aperti dopo la caduta del rais », Corriere della Sera, 10 décembre 2024 : les ayatollahs, bien qu’agacés, ont encaissé cette position du Hamas pour maintenir l’axe avec la résistance palestinienne ; ce qui n’est pas le cas du Hezbollah dont les dirigeants parlent d’une « phase dangereuse ». Peut-être la chute d’Assad en Syrie contribuera-t-elle à un règlement de la question des otages israéliens d’un Hamas très affaibli et de plus en plus isolé. Et Giusi Fasano, « Operazione Anp contro i jihadisti Il doppio segnale di Abu Mazen, Corriere della Sera, 15 décembre 2024 pour l’opération de sécurité à grande échelle déclenchée par l’Autorité nationale palestinienne (ANP) à Jénine au nord de la Cisjordanie avec d’intenses affrontements et la mort du commandant Yazid Jaysa, responsable de la Brigade de Jénine du Jihad islamique ; celle-ci constitue bien sûr un message de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme en direction de l’Occident – et du Hamas ; c’est à l’ANP d’assurer la direction de la bande de Gaza, sans pour autant exclure cette dernière organisation, mais elle ne doit pas participer au gouvernement.
[62] Cf. Gian Guido Vecchi, « “Indagare se a Gaza è genocidio” Israele replica al papa : noi le vittime », Corriere della Sera, 18 novembre 2024 ; id. « “Sul genocidio a Gaza il Papa voleva soltanto denunciare i fatti : atroci” », Corriere della Sera, 19 novembre 2024 ; « I rabbini italiani “Ma gli aggrediti non sono gli aggressori” », ibid. ; Paolo Conti, « “Un’escalation le critiche del Papa Parlare di genocidio a Gaza è rischioso” », Corriere della Sera, 20 novembre 2024.